No Nations

Mr Besson souhaite organiser un débat sur l’identité nationale à partir du 2 novembre. Vous pouvez voir dans quelle merde les Français se trouvent en lisant ces deux articles du Nouvel Observateur, dont une interview avec Michel Onfray, un ‘philosophe.’ Deux extraits ? Allons-y:

Le débat devrait être organisé autour de deux thèmes : “identité nationale” et “apport de l’immigration à l’identité nationale“.
Sur la première partie, “la question ‘qu’est-ce qu’être Français aujourd’hui?‘ devra être posée à chacun”, indique le texte du ministère.
“Des propositions seront soumises au débat, en particulier sur la place des symboles nationaux, sur l’obligation pour l’ensemble des jeunes Français de chanter, au moins une fois par an, l’hymne national, ou encore la mise en place, dans les préfectures de département, de cours d’instruction civique ouverts à tous“. En ce qui concerne la seconde partie du débat, il s’agira de “valoriser l’apport de l’immigration à l’identité nationale et de proposer des actions permettant de mieux faire partager les valeurs de l’identité nationale à chaque étape du parcours d’intégration”.

Et voici l’avis de Mr Onfray, qui est un contributeur à Siné Hebdo, journal supposément-vaguement-anarchiste(!) :

L’Etat a-t-il un rôle à jouer dans la construction de l’identité nationale ?

– Non, je ne crois pas que ce soit à l’Etat de participer à la construction de l’identité nationale. C’est aux partis politiques, aux citoyens, aux philosophes, aux sociologues de faire un grand débat. L’Etat peut offrir des structures symboliques, comme la Sorbonne ou le Collège de France pour accueillir toutes les idées. Et faire se rencontrer des personnes qui ont leur définition de l’identité nationale. Moi, je suis preneur du débat pour montrer qu’il n’est pas le domaine réservé de la droite.

Peut-on encadrer l’identité nationale ?

– Cela dépend de la conception qu’on a de l’identité nationale et des personnes qui sont au pouvoir. Si vous êtes au pouvoir et que vous avez une conception de l’identité nationale qui est raciale, voire raciste, cela ne produira pas le même type d’effet que si vous êtes au pouvoir avec la conception de l’identité nationale héritée des Lumières. Si Eric Besson veut un débat, je trouve qu’il a raison. Maintenant s’il veut un débat de manière populiste en allant chercher ce qu’il a de plus bas chez les gens en secouant le racisme qui dort en nous souvent, effectivement cela va être problématique. S’il s’agit de prendre le peuple à témoin pour une définition de l’identité nationale, on ne va pas produire quelque chose de bien intelligent. Il ne s’agit pas de dire “regardez vos viscères et dites nous ce que vous en pensez”.

Et maintenant, citons une chercheuse [emphasis mine] qui a une cervelle et qui connaît l’histoire de l’identité nationale:

Anne-Marie Thiesse, La Création des Identités Nationales:
“La nation naît d’un postulat et d’une invention. Mais elle ne vit que par l’adhésion collective à cette fiction. Les tentatives avortées sont légion. Les succès sont les fruits d’un prosélytisme soutenu qui enseigne aux individus ce qu’ils sont, leur fait devoir de s’y conformer et les incite à propager à leur tour ce savoir collectif. Le sentiment national n’est spontané que lorsqu’il a été parfaitement intériorisé; il faut préalablement l’avoir enseigné.” p. 14
“[…] cet ouvrage retrace la fabrication culturelle des nations européennes. Leurs identités sont issues d’un travail collectif et volontariste qui s’est appuyé sur les nouveaux médias de communication. Leçon de l’histoire à retenir, sans doute, pour l’Union Européenne. […] Les identités nationales ne sont pas des faits de nature mais des constructions.” 4ième page de couverture

Nous avons donc des personnes qui ont un petit problème d’honnêteté. Mr Onfray veut un grand débat, et dit ensuite que demander l’avis des gens ne servira à rien. Alors quoi ? Il dit que l’Etat n’a pas à participer à la construction de l’identité nationale. Mais c’est l’état qui a créé celle-ci de toutes pièces ! Et qui lance le ‘débat’ à nouveau ? L’état ! Ah pitié. Et pour demander quoi ? Que, entre autres choses, les “symboles de la République soient respectés!” Peuah! Et Mr Onfray veut s’approprier ce débat pour ne pas le laisser à la droite. Il est temps de nous tourner vers Spooner et son ouvrage, No Treason, avant que je ne me vomisse dessus:

La question subsiste, comment se fait-il qu’une chose comme une nation existe ? Comment est-ce que des millions d’hommes, éparpillés sur un immense territoire – chacun doué par la nature de la liberté individuelle; requis par la loi de la nature de n’appeler aucun homme, ou groupe d’hommes, son maître; autorisé par cette loi à poursuivre son propre bonheur à sa propre manière, autorisé de faire ce qu’il souhaite avec lui-même et sa propriété, tant qu’il ne marche pas sur l’égale liberté des autres; autorisé aussi, par cette loi, à défendre ses propres droits, et à redresser ses propres torts; et d’aller à l’aide et à la défense de chacun de ses frères qui pourraient souffrir la moindre injustice – comment des millions de tels hommes en viennent à devenir une nation, pour commencer ? Comment se fait-il que chacun d’eux soit privé de ses droits naturels, donnés par Dieu, et qu’il soit incorporé, comprimé, tassé, et consolidé dans une masse avec d’autres hommes, qu’il n’a jamais vus; avec lesquels il n’a aucun accord; et envers lesquels il n’a d’autres sentiments que la peur, la haine, ou le mépris ? Comment devient-il assujetti au contrôle d’hommes comme lui-même, qui, par la nature, n’ont aucune autorité sur lui; mais qui lui ordonnent de faire ceci, et lui interdisent de faire cela, comme s’ils étaient ses souverains, lui leur sujet; et comme si leurs volontés et leurs intérêts étaient les seuls standards de ses droits et de ses devoirs; et qui le forcent à la soumission, au risque de la confiscation, de l’emprisonnement et de la mort ?
Clairement tout ceci est le travail de la force, ou de la fraude, ou des deux.
…Nous sommes, donc, amenés à la reconnaissance que les nations et les gouvernements, s’ils peuvent légitimement exister, n’existent que par le consentement. (Section III, §§ 1-6)

Et également Charles Johnson, plus récemment, au sujet des lois migratoires Américaines, et de leur lien avec l’assimilation:

Quelle raison légitime le gouvernement des Etats-Unis peut avoir de se soucier de l’assimilation ou pas des Latin@s ? Quelle raison légitime avons-nous de décider d’utiliser ou pas la force pour arrêter des immigrants (ou de les exiler de leurs maisons actuelles) sous prétexte qu’ils sont prêts ou pas à “s’assimiler” à la culture environnante ? Peut-être qu’ils le feront, peut-être pas; mais quelles que soient les vertues ou les vices dans le fait de refuser de s’assimiler, ce n’est pas un crime capital, et ni vous ni personne d’autre n’avez le droit de détruire la vie de quelqu’un, de lui mettre les chaînes, et de les ressortir du pays pour cette raison. Ni vous, ni personne d’autre, n’avez le droit de harceler, bousculer, enfermer, ou de tirer sur les gens pour les empêcher d’entrer dans le pays, pour cette raison. La seule question ici c’est la liberté de circulation de l’immigrant, et les droits à la propriété de celui qui possède la propriété où l’immigrant est en train de rester. (Si l’immigrant est en violation de propriété, bien sûr, il y a déjà des lois contre ça; ça n’a rien de particulier à voir avec l’immigration.)

Il me semble aussi me souvenir d’une certaine erreur dans le fait d’entrer dans un débat avec des bases erronées. Le post, écrit par Arthur Silber, s’appelle ‘Enfermé dans le Mauvais Paradigme,’ Trapped in the Wrong Paradigm:

Lorsque vous discutez à l’intérieur du cadre, et en utilisant les termes sélectionnés par votre opposant, vous perdrez toujours au bout du compte. Même si votre argumentation est meilleure sur un sujet en particulier, votre opposant gagne quand même la bataille plus générale — parce que vous avez permis aux hypothèses et à la perspective générale de rester inchangées.

De cette manière, mes amis lecteurs sauront déjà comment tout ceci va se finir. Le fait d’organiser un débat sur l’identité nationale sert à cacher le fait que les nations sont construites artificiellement par l’état, plutôt que d’apparaître spontanément comme par magie; les participants diront ne pas vouloir laisser l’extrême droite occuper le terrain; mais par le fait de participer, ils soutiendront l’erreur fondamentale de l’extrême-droite, qui n’est pas seulement le racisme, mais surtout, la “spontanéité” de la nation, et son existence” naturelle,” et par suite logique, l’assujettissement de tous à ses caractéristiques “naturelles,” et donc la tyrannie. En fait, toute cette affaire du débat n’est que le dernier pas dans la construction étatique artificielle de l’identité nationale.

J’aimerais proposer pour finir un extrait d’un texte sur la question des nations, texte que je viens de découvrir, et que j’enjoins tout le monde à lire. Merci à Shawn Wilbur pour ses efforts. Les Nationalités, Considérées du Point de Vue de la Liberté et de l’Autonomie Individuelle:

Société, nation, ces deux termes qui, à première vue, semblent être des synonymes, ont des sens diamétralement opposés et se nient l’un l’autre: groupe et société, impliquent liberté et autonomie individuelle; patrie et nation, impliquent autorité et assujettissement. Les sociétés se constituent pour ainsi dire par elles-mêmes, et de manière entièrement naturelle. Des affinités de moeurs, de goûts, de tempérament, et de langage; des influences de climats, et des arrangements géographiques se combinent pour rassembler des êtres sont les intérêts et les besoins sont identiques, ou presque. Nous voyons de là que la tendance spontanée et instinctive qui les guide, les rassemble, et les regroupe, sans aucune loi autre que la force impulsive, sans autre autorité que leur libre et volontaire initiative. Telle est l’origine des sociétés ou de la vie sociale.

Voyons à présent comment les nations sont créées.

Un conquérant descend sur un pays; il saque, il pille, il vole, il répand la désolation et la mort partout; puis, au nom de la force, il se proclame le maître, il saisit tout, il impose des lois dont il exige que chacun y obéisse et les respecte; il établit un gouvernement, il choisit une équipe de fonctionnaires et de serviteurs de tous les rangs et de tous les grades; en bref, il fonde une nation. La force, le pillage, et la conquête:  ainsi sont les origines des nationalités.

[…]

Maintenir le principe des nationalités c’est donc vouloir perpétuer à jamais l’autorité et la servitude, l’opulence et la misère, l’exploitation et le salariat; car l’on peut bien faire des révolutions, mais tant que la centralisation politique et administrative seront maintenues, elles n’auront rien accompli. Que les révolutionnaires et surtout les travailleurs y réfléchissent bien.

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2 Responses to No Nations

  1. littlehorn says:

    Mr Besson wishes to organise a debate on national identity from the 2nd of november on. You can see how deep in shit the French are by reading those two articles of the Nouvel Observateur, with one interview with Michel Onfray, a ‘philosopher.’ Two quotes ? Let’s go:

    The debate should be organized around two themes: “national identity” and “what immigration brings to the national identity”.
    On the first part, “the question ‘what’s being French today?’ will have to be asked to everyone”, says the ministry’s text.
    “Proposals will be submitted for debate, in particular on the place of national symbols, on the obligation for all young French kids to sing, at least once a year, the national hymn, or the implementation, in all prefectures of the department, of a civics course open to all”. As for the second part of the debate, it will concern “highlighting what immigration brings to the national identity and proposing actions making possible to better share the values of the national identity at each step of the integration process”.

    And here’s what Mr Onfray thinks, a contributer to Siné Hebdo, a supposedly-vaguely-anarchist paper(!):

    Does the State have a role to play in the construction of the national identity ?

    – No, I don’t believe it’s up to the State to participate in the construction of the national identity. It’s up to the political parties, to the citizens, to the philosophers, to the sociologists to have a big debate. The State can offer symbolic structures, like the Sorbonne [university] or the Collège de France to welcome all the ideas. And have people meet who have their definition of national identity. As far as I’m concerned, I’m in this debate to show that it’s not the property of the right-wing.

    Can we frame the national identity ?

    – That depends on what your conception of national identity you have and of the people who have the reins. If you have the reins and you have a conception of national identity that is racial, even racist, that will not have the same kind of effect as if you have the reins and your conception of national identity is inherited from the Lumières. If Eric Besson wants a debate, I think he’s right. Now if he wants a populist debate, going and looking at what’s worst in people by shaking up the racism that sleeps inside of us oftentimes, that will indeed be problematic. If it’s about taking people’s inputs for a definition of national identity, we won’t be producing anything intelligent. It’s not about saying “look at your insides and tell us what you think”.

    And now, let’s quote a scholar [emphasis mine] who has a brain and who knows the history of national identities:

    Anne-Marie Thiesse, The Creation of National Identities:
    “The nation is born of a postulate and of an invention. But it lives only through the collective adherence to this fiction. The aborted attempts are numerous. The successes are the results of a continual proselytism that teaches individuals who they are, makes a duty for them to conform to it and incites them to propagate in their turn this collective knowledge. The national feeling is only spontaneous when it has been perfectly internalised; it must have been taught beforehand.” p.14
    “[…] this work goes back to the cultural fabrication of european nations. Their identities are the result of a voluntarist and collective work that relied on the new communication media. A lesson of history to remember, no doubt, for the European Union. […] The national identities are not facts of nature, but constructions.” 4ième page de couverture

    We thus have people who have a little problem of honesty. Mr Onfray wants a big debate, and then says asking people’s mind won’t serve any purpose. Well then, what is it for ? He says the State doesn’t have to participate in the construction of the national identity. But it is the state which has created it out of whole cloth! And who throws a ‘debate’ once again ? The state ! Oh please. And to ask for what ? For, among other things, “respect for the symbols of the Republic!” Eww. And Mr Onfray wants to get this debate so as not to leave it to the right-wing. It’s time to turn to Spooner and his work, No Treason, before I vomit on myself:

    The question still remains, how comes such a thing as “a nation” to exist? How do millions of men, scattered over an extensive territory — each gifted by nature with individual freedom; required by the law of nature to call no man, or body of men, his masters; authorized by that law to seek his own happiness in his own way, to do what he will with himself and his property, so long as he does not trespass upon the equal liberty of others; authorized also, by that law, to defend his own rights, and redress his own wrongs; and to go to the assistance and defence of any of his fellow men who may be suffering any kind of injustice — how do millions of such men come to be a nation, in the first place? How is it that each of them comes to be stripped of his natural, God-given rights, and to be incorporated, compressed, compacted, and consolidated into a mass with other men, whom he never saw; with whom he has no contract; and towards many of whom he has no sentiments but fear, hatred, or contempt? How does he become subjected to the control of men like himself, who, by nature, had no authority over him; but who command him to do this, and forbid him to do that, as if they were his sovereigns, and he their subject; and as if their wills and their interests were the only standards of his duties and his rights; and who compel him to submission under peril of confiscation, imprisonment, and death?
    Clearly all this is the work of force, or fraud, or both.
    […] We are, therefore, driven to the acknowledgment that nations and governments, if they can rightfully exist at all, can exist only by consent.(Section III, §§ 1-6)

    And also Charles Johnson, more recently, about the migration laws of America, and their link with assimilation:

    What legitimate reason has the United States government to care whether or not Latin@s assimilate or don’t assimilate? What legitimate reason have we got to make the decision whether or not to use force to stop immigrants (or to exile them from their current homes) on the basis of whether or not they are willing to “assimilate” to the surrounding culture? Maybe they will and maybe they won’t; but whatever the virtues or vices of declining to assimilate, it’s not a hanging crime, and neither you nor anybody else has the person to destroy a person’s livelihood, clap them into irons, and force them back out of the country over it. Neither you, nor anybody else, has the right to harass, shove, restrain, beat, or shoot people to stop them from entering the country over it. The only issue here is the freedom of movement of the immigrant, and the property rights of whoever owns the property where the immigrant is staying. (If the immigrant is trespassing, of course, there are already laws against that; it has nothing in particular to do with immigration.)

    I also seem to remember a certain mistake in the fact that you’re entering a debate with erroneous fundamentals. The post, by the pen of Arthur Silber, is called Trapped in the Wrong Paradigm:

    When you argue within the framework and using the terms selected by your opponent, you will always lose in the end. Even if you make a stronger case about one particular issue, your opponent still wins the larger battle — because you have permitted the underlying assumptions and the general perspective to remain unchallenged.

    In this way, my dear reader-friends will already know how all this will end. The organizing of a debate on national identity serves to hide the fact that nations are artificially built by the state, rather than they spontaneously appearing as per chance; the participants will say they don’t want to let the far-right occupy the field; but by the very act of participating, they will support the fundamental error of the far-right, which is not only racism, but also, the “spontaneity” of the nation, and its “natural” existence, and logically, the subjection of all to its “natural” caracteristics, and therefore, tyranny. In fact, this whole debate thing is a new step in the artificial state-construction of the national identity.

    I would like to finish by proposing a quote from a text on the issue of nations, a text I just discovered, and a text I encourage everyone to read. Thanks to Shawn Wilbur for his efforts. Nationalities, Considered from the Point of View of Liberty and Individual Autonomy :

    Society, nation, these two terms which, at first glance, seem to be synonyms, have diametrically opposed meanings and deny one another: group and society, imply liberty and individual autonomy; homeland and nation, imply authority and subjection. Societies are constituted so to speak by themselves and entirely naturally. Affinities of mores, taste, temperment, and language; influences of climate, and geographical arrangements, combine to bring together beings whose interests and needs are identical, or nearly so. We see from then on that spontaneous and instinctive tendancy which leads them, brings them together, and groups them, without any law but the impulsive force, with no authority but their free and voluntary initiative. Such is the origin of societies or of the social life.

    Let us see now how nations are created.

    A conqueror swoops down on a country; he sacks, pillages, robs, and spreads desolation and death everywhere; then, in the name of force, he proclaims himself the master, seizes everything, imposes laws for which he demands of each and all obedience and respect; he establishes a government, chooses a staff of functionaries and servitors of all ranks and grades; in short, he founds a nation. Force, plundering and conquest: such are thus the origin of nationalities.

    […]

    To maintain the principle of nationalities is thus to want to perpetuate forever authority and servitude, opulence and misery, exploitation and the salariat; for one can well make revolutions, but as long as political and administrative centralization will be maintained, they will have done nothing. Let the revolutionaries and especially the laborers reflect on it.

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